Énoncé de position de la Société canadienne de rhumatologie (SCR) sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales pour les maladies rhumatismales

Les patients atteints de maladies rhumatismales éprouvent des douleurs persistantes que les stratégies thérapeutiques actuelles ne parviennent que modestement à soulager.

La SCR reconnaît qu’il faut arriver à mieux soulager la douleur chez ces patients. Avec la légalisation du cannabis, les Canadiens se tournent de plus en plus vers leurs médecins pour des conseils sur son utilisation à des fins médicales, puisqu’il fait déjà partie de l’arsenal médicamenteux courant. Le cannabis médical n’a pas été soumis aux examens standards requis pour l’approbation des médicaments par Santé Canada. En l’absence d’études sur les effets du cannabis médical chez les patients atteints de maladies rhumatismales, et afin de réduire les risques de préjudices, les rhumatologues devraient se préparer à leur donner des conseils de nature pragmatique tout en faisant preuve d’empathie.

Principes généraux d’utilisation du cannabis médical en rhumatologie

  1. Le cannabis médical n’est pas une solution de rechange aux soins standards pour les maladies rhumatismales quelles qu’elles soient, et les rhumatologues devraient appliquer les normes thérapeutiques et lignes directrices en vigueur pour leur prise en charge.
  2. Aucune étude publiée n’a porté sur les effets du cannabis médical chez les patients atteints de maladies rhumatismales et les quelques études qui ont porté sur les cannabinoïdes pharmaceutiques font état de bienfaits limités et d’un risque élevé d’effets indésirables.
  3. Le cannabis médical ne devrait pas être administré aux patients suivis en rhumatologie âgés de moins de 25 ans.
  4. Il est à prévoir que les patients atteints de maladies rhumatismales demanderont des conseils au sujet du cannabis médical; certains se soignent peut-être déjà avec du cannabis ou pourraient demander une ordonnance de cannabis médical.
  5. Les principaux motifs pour lesquels des patients pourraient envisager l’utilisation du cannabis médical sont : soulagement de la douleur et amélioration de l’humeur et/ou du sommeil.
  6. Il faut d’abord essayer les stratégies existantes pour soulager la douleur et favoriser le sommeil avant d’envisager l’emploi du cannabis médical.
  7. Le cannabis médical pourrait soulager les symptômes de certains patients atteints de maladies rhumatismales.
  8. Des effets indésirables à court terme (y compris des effets psychomoteurs immédiats, des étourdissements, des modifications de l’appétit, un effet sur l’humeur et de rares effets indésirables graves de désorientation et de psychose) sont étroitement liés à la consommation de cannabis médical et risquent d’être similaires à ceux qu’on rapporte chez d’autres populations de patients.
  9. On ignore quels sont les risques à long terme associés au cannabis médical chez les patients atteints de maladies rhumatismales.
  10. Même s’ils comprennent qu’il y a une absence de preuves scientifiques quant aux bienfaits du cannabis médical et des risques accrus de préjudices associés à sa consommation, certains patients pourraient choisir de l’essayer plutôt que d’utiliser autres options.
  11. Les rhumatologues se doivent de maintenir un lien thérapeutique empathique avec leurs patients, d’éviter les biais personnels et de s’assurer de réduire les préjudices pour les patients et la société.

Tableau 1. Contre-indications et précautions relatives au cannabis médical

1. Le cannabis médical est contre-indiqué chez les populations de patients suivantes :
  1. Patients suivis en rhumatologie âgés de moins de 25 ans
  2. Patients allergiques aux produits cannabinoïdes
  3. Femmes enceintes ou qui allaitent
  4. Patients ayant actuellement ou ayant eu des problèmes de maladie psychotique ou de toxicomanie; patients ayant déjà fait des tentatives suicidaires ou présenté des idées suicidaires
2. Le cannabis médical devrait être utilisé avec prudence chez les populations de patients suivantes :
  1. Patients âgés
  2. Patients ayant des problèmes de santé mentale non stabilisés
  3. Patients ayant actuellement ou ayant eu des problèmes de santé cardiovasculaires ou pulmonaires graves ou modérés
  4. Patients dont le travail exige un degré élevé de concentration, ainsi qu’un fonctionnement exécutif et une vigilance optimaux
  5. Patients traités concomitamment au moyen de sédatifs-hypnotiques ou autres agents psychoactifs

Tableau 2. Au moment d’envisager l’essai  du cannabis médical chez un patient, le médecin prescripteur doit prendre en compte les éléments suivants :

  1. Le médecin doit avoir une bonne connaissance clinique du patient, y compris de ses antécédents cliniques et psychosociaux, de son diagnostic rhumatologique, de ses comorbidités médicales et psychiatriques, de ses raisons d’envisager la prise de cannabis médical et de ses médicaments courants.
  2. Les objectifs du traitement doivent faire l’objet d’une discussion franche.
  3. Les patients doivent être informés des effets indésirables connus du cannabis, qui incluent : atteinte psychomotrice aiguë, atteinte pulmonaire potentielle associée à l’inhalation du cannabis et risque de dépendance.
  4. En raison des produits toxiques de sa combustion, le cannabis ne devrait pas être fumé. Le vapotage ou la consommation orale sont les voies d’administration à privilégier.
  5. Le cannabis médical doit provenir d’un producteur autorisé et sa teneur moléculaire doit être connue.
  6. Il faut privilégier le cannabis ayant une teneur moindre en THC et supérieure en CBD.
  7. On ignore quelle est la posologie idéale, mais le traitement devrait commencer par une dose au coucher, avant d’être augmenté graduellement jusqu’à un maximum de 3 grammes de cannabis médical par jour (produit déshydraté ou l’équivalent).
  8. Il faut revoir les patients 4 à 8 semaines après le début du traitement au moyen du cannabis.
  9. Le traitement au moyen du cannabis doit être cessé en l’absence d’effets cliniques appréciables ou en présence d’effets indésirables substantiels.
  10. Il faut revoir les patients qui poursuivent le traitement au moins tous les trois mois pour évaluer l’efficacité et la nécessité de maintenir le traitement.